La véritable histoire du vol en ULM avec les oies

ou confidences sur le hasard qui n’existe pas !

Vous avez probablement tous vu à la TV, dans des magazines ou au cinéma, des images d’oiseaux volant en formation avec un ULM. Il est utile que j’explique pour ceux que cela intéresse comment ces aventures de vols extraordinaires ont débutées.

Depuis 1995, Je fus le précurseur en Europe du vol en ULM avec les oiseaux dans le but de réintroduire une espèce sauvage menacée dans la nature, l’oie naine à front blanc de Scandinavie. Cette espèce devenue très rare là où elle se reproduisait autrefois en grand nombre en Laponie, fut victime pendant des décennies des abus de la chasse exercés dans le Sud-Est de l’Europe sur ses zones traditionnelles d’hivernage (autour de la Mer Noire et de la Mer Caspienne). En peu de temps la population de ce bel oiseau timide fut réduite à peau de chagrin. C’est en 1985 que je découvre dans la revue « Le Courrier de la Nature », édité par la société nationale de protection de la nature (SNPN), un article sur les graves menaces qui pèsent sur cette espèce et sur les efforts d’un vénérable ornithologue suédois, le professeur Lambart Von Essen, Lombart Von Essen et James Hogan St Clairpour tenter de renforcer dans la nature les populations de ces belles oies sauvages. Je dois expliquer que je suis passionné par l’écologie et les oiseaux depuis ma plus tendre enfance et cet article insolite sur la disparition des oies naines allait faire naître en moi une idée obsédante, je réaliserai à terme des migrations en vol en ULM avec ces oiseaux pour les faire hiverner vers des zones protégées. Je n’avais jamais fait d’ULM, mais mes lectures, très jeunes, des livres du célèbre éthologiste autrichien Konrad Lorenz me laissait penser qu’il serait possible d’être suivi en vol par de jeunes oies. Mais il fallait un aéronef léger qui vole lentement, un ULM ferait l’affaire. A 20 ans, mon frère jumeau Bernard venait de se mettre à la pratique du deltaplane et avec lui j’allais faire mes premiers vols en biplace pour m’initier doucement à l’aérologie et au vol libre. Mon métier de météorologiste et un bon prof d’ULM allaient participer efficacement au début de ma formation, nous sommes là en 1987.

En 1988, dans le cadre de mon métier de métrologiste, je pars séjourner pendant 13 mois sur lÎle d’Amsterdam (TOM français situé au milieu de l’Océan Indien, au nord des îles Kerguelen).

Albatros sur sur l’Île d’Amsterdam

Là, je participe ponctuellement aussi aux nombreuses tâches quotidiennes de mes 35 compagnons scientifiques et militaires, dont le bagage des albatros géants. J’avais postulé pour cette île et pour le métier de météorologiste dans le but uniquement de découvrir ces voiliers géants des mers, ces merveilles du vol au long court. J’avais toujours dans la tête de voler un jour avec les oies naines, mais il fallait que je réalise d’abord mon premier grand rêve avec la découverte de ces albatros géants. Je confiais parfois timidement à mes collègues iliens mon souhait de participer à œuvrer en vol pour sauver les oies sauvages, mais ils me prenaient pour un fou. Je raconte toute cette première épopée dans mon premier livre édité en 2000 « Voler Avec les Oies Sauvages ». Sur cette île Amsterdam, je réalise aussi en vidéo un premier court sujet qui sera diffusé dans l’émission d’Alain Bougrain Dubourg, ma première œuvre pour la télé en 1989.

Mon amour de la nature, des oiseaux et des voyages, m’amène dans la foulée à séjourner 4 années sur l’archipel français de Saint-Pierre et Miquelon, près de Terre Neuve, toujours dans le cadre de mon métier d’origine, la météo. Je pensais alors que sur place je pourrais m’aguerrir à la pratique de l’ULM pour mon projet avec les oies, mais c’était sans compter sur les rudes contions climatiques qui règnent souvent sur ce territoire battu par les dépressions prenant naissance dans cette partie de l’Atlantique Nord. Non, ce sera à mon retour en France en 1993 que je pourrais commencer la réalisation de mon grand projet, en terrain plus calme. En attendant j’allais réaliser 3 courts métrages en cinéma 16 mm sur l’avifaune très riche de ce bel archipel, 4 années à arpenter la nature sauvage de ces petites îles pour des images qui seront sélectionnées pour le festival ornithologique de Ménigoute, dans les Deux Sèvres. Je réalise aussi surplace de nombreuses photos d’oiseaux qui seront très appréciées dans les magazines
Magazine Terre Sauvage et reconnues par le prix Fujifilm France.

Dès mon retour en métropole pour travailler à la station météo d’Aurillac dans le Cantal, en 1993, je me mets à la pratique assidue du deltaplane pour m’aguerrir à tous les aspects du vol libre. En 1995 je motorise ma petite aile de 15 m² avec un moteur solo 210, une motorisation que j’installais grâce à un ami passionné aussi par le vol des oiseaux (Yves Rousseau, un pionnier du vol en ailes battues). Paola oisons bernachesLa même année avec ma compagne Paola nous élevons deux jeunes oies bernaches (FIFI et Loulou) qui réaliseront avec moi mes premiers vols motorisés, non sans grandes difficultés au départ. Nous faisions en effet beaucoup d’erreurs, mais l’un de nos deux oiseaux était plus réceptif et il a su m’inviter à ne travailler qu’avec lui au tout début, afin que très vite le deuxième oiseau nous suive aussi rapidement dans les cieux cantaliens pour des balades qui épataient nos voisins agriculteurs. Ces premiers moments de vols étaient magiques, féériques, presque surnaturels, je caressais pour la première fois des oiseaux en vol au-dessus du plus grand volcan inactif d’Europe.

Christian Fifi et Loulou

Ce fut véritablement le début de la grande aventure et Paola immortalisait sur pellicule photos ces premiers moments de grâce. 3 mois plus tard je proposais ces premières photos spectaculaires au magazine Paris-Match et c’est fièrement que 8 pages de reportage nous étaient proposées avec le poids des mots et tout le choc des photos qui allait bien avec… Ces photos allaient faire le tour du monde des journaux à sensations et nous allions alors devenir suffisamment connu pour que des réalisateurs et producteurs s’intéressent à nous. En 1996 nous traversons la France depuis le Cantal pour faire hiverner 12 bernaches nonnettes chez notre ami Philippe Rambaud, sur son parc ornithologique de « Ker Anas », en Grande Brière. Le premier film documentaire de 26 minutes « Il vole avec les Oies » sur cette véritable première expédition en vol en ULM avec un groupe d’oiseaux migrateurs est alors diffusé sur les chaînes de TV françaises, nous sommes là en 1996.

Le producteur, réalisateur et acteur Jacques Perrin, nous propose ensuite de venir travailler deux années avec lui en Normandie en 1997 et 1998 pour commencer la réalisation de son film « Le Peuple Migrateur » sorti en 2001 au cinéma. Pour la réalisation de ce film cinéma je devais aussi enseigner quelques autres pilotes d’ULM à voler avec les oiseaux ; la tâche était compliquée parce que cela ne s’improvise pas de piloter correctement un ULM accompagné d’un groupe d’oiseaux d’espèces sauvages, surtout quand les candidats n’ont pas de fibres particulières à l’endroit de l’écologie ou de l’amour de la nature et des oiseaux. Pendant ces deux années en Normandie, Paola et moi avions toujours en tête notre projet de migration avec les oies naines de Scandinavie, un projet que rien ne devait arrêter, rien au monde. Nous allions alors devoir cesser notre collaboration avec Monsieur Perrin pour ne nous consacrer qu’à ce premier grand voyage en vol avec les oies naines de Suède, à partir du printemps 1999.

Un an après la diffusion de notre premier documentaire TV en 1996, sortait en France sur les écrans de cinéma le film « L’Envolée Sauvage », l’histoire romancée d’une petite fille qui voulait sauver des oies bernaches du Canada et inspirée de la vie de l’artiste canadien, sculpteur et pilote d’ULM, William Lishman. Ce personnage, surnommé Bill, avait réalisé quelques premiers vols en ULM avec des bernaches du Canada, mais n’avait pas eu idée que cette technique pouvait être utilisée pour de réelles migrations afin d’enseigner de jeunes générations d’oiseaux à migrer sur de nouveaux territoires. C’est là qu’intervient alors un concours de circonstances surprenantes. Le jeune professeur en biologie et pilote d’ULM et de deltaplane, Kirk Goolsby, Kirk Goolsby avec Christian et Paola Moullecqui avait formé les bernaches du Canada pour le film l’Envolée Sauvage », me contacte en France et m’invite en Virginie pour venir rencontrer le scientifique qui travaille alors avec Bill Lishman et Joe Duff (tous deux pilotes d’ULM) pour un projet de migration avec les très rares grues blanches américaines. Kirk allait devenir un très bon ami et il nous proposera plus tard très gentiment son aide pour notre projet suédois. En lien avec ce projet américain pour les rares grues blanches, Christian Moullec en déguisement de Grues Paola et moi rencontrons aux USA un autre vénérable ornithologue, William Lambart Sladen, qui curieusement était un cousin de notre ami suédois Lambart Von Essen. Ces deux personnes assez âgées, d’origine allemande, ne s’étaient pas retrouvés depuis l’enfance. C’est très curieusement grâce à notre projet avec les oies naines et au projet assez similaire de migration en ULM avec les grues que ces deux ornithologues allaient se rencontrer à nouveau et découvrir qu’ils travaillaient donc quasiment en même temps sur ces deux projets de vols en ULM avec des espèces sauvages : Mr Lambart Von Essen pour la sauvegarde des oies naines à front blanc et Mr W. Lambart Sladen pour la sauvegarde de la grue blanche américaine. Autre coïncidence originale et anecdotique, la femme de Bill Lishman s’appelait aussi Paola… Autre bizarrerie, dans la vieille maison du père (navigateur à voile) de notre ami pilote américain d’ULM, Kirk Goolsby, se trouvait accrochée à l’une des cloisons intérieures, une photo hivernale encadrée et mettant en valeur une petite maison colorée qui était voisine de la mienne à Saint-Pierre et Miquelon (toutes les maisons sont très colorées sur cet archipel). Curieusement, quelques années avant j’avais aussi photographié, encadré et affiché chez moi exactement la même image de cette maison… J’apprendrais plus tard, grâce à une chercheuse en psychologie rencontrée lors de mes nombreux périples avec les oiseaux que ce genre de « synchronicités ou coïncidences » relèveraient d’une théorie de « champs morphiques terrestres » ou résonance morphique qui explique que quand par exemple une espèce de singe découvre l’utilisation d’un objet pouvant servir d’outil à ouvrir des fruits durs, au même instant une autre espèce de singe à l’autre bout de notre planète fait la même découverte. Le concept du vol en ULM avec des oiseaux était donc né en même temps, chez nous en France et dans ce petit coin du nord du continent américain. C’est le scientifique Ruper Sheldrak qui explique ainsi l’intelligence évolutionnaire des espèces qui pourrait s’affranchir du temps et de l’espace pour véhiculer hors de la matière des informations dans un environnement similaire (https://www.notre-essenciel.org/blog/que-sont-les-champs-morphiques-ou-morphogenetiques). Le professeur suédois Lambart Von Essen avec qui nous avons travaillé pour notre migration me révèlera aussi que le célèbre éthologue Konrad Lorenz dont la lecture des livres me passionnait quand j’étais enfant était un de ses proches ami de jeunesse.

Donc en 1999 Paola et moi réalisons, depuis la Scandinavie, notre première migration en vol en ULM avec 33 oies naines à front blanc pour les faire hiverner sur une réserve naturelle dans les Sud-Ouest de l’Allemagne. Cette première expédition fera l’objet d’un documentaire diffusé en l’an 2000 Voisins dans les nuages Oies Sauvages« Voisin des Nuages avec les Oies Sauvages » de deux fois 52 minutes pour les télévisions. Ce film documentaire sera souvent primé et adapté en 2018 au cinéma par Nicolas Vanier pour le long métrage « Donne-Moi des Ailes ». Donnes moi des ailes Christian et Paola Moullec CinémaUn producteur m’avait demandé d’écrire le scénario de ce projet de film, mais les impératifs cinématographiques français ont voulu que mon scénario de départ, directement inspiré de notre migration avec nos oies naines, allait être quelque peu modifié. Pour ce film j’étais donc auteur scénariste et aussi le pilote qui conduisait les oies figurantes en Norvège et dans le Nord de la France. Comme Paola était enceinte de notre premier garçon pendant cette expéditions aérienne de 5 mois (en vol avec moi et pour toute l’intendance sol), j’ai donc écrit le scénario comme si c’était notre fils ainé qui 20 ans plus tard réalisait un nouveau voyage pour le retour des oies naines dans la nature. Dans ce film, beaucoup d’anecdotes que nous avons réellement vécues ont quand même été fidèlement reproduites. Suite à ce premier exploit aéronautique au-dessus de l’Europe avec des oiseaux et à de nombreuses invitations de vol en ULM avec nos protégées pour des festivals aériens (grâce à mon ami et grand personnage incontournable de l’aéronautique française, Gérard Feldzer), en 2000 aussi, je recevais à Dijon le prix du Mondial des Patrouilles Aériennes, devant la Patrouille de France, excusez du peu. Paola et moi recevrons aussi la médaille de bronze de l’Académie Nationale de l’Air et de l’Espace.

De 2008 à 2011, nous avons aussi été sollicités pour participer à la réalisation de 6 documentaires pour la BBC, la série « Eartflight » qui évoque la migration de nombreux animaux migrateurs à travers le monde. A l’image, nos grues cendrées et demoiselles, bernaches nonnettes, bernaches cravants, bernaches à cous roux, oies cendrées et cygnes sont en vedette. Pour cette série de films j’ai obtenu, avec mon ami caméraman Richard Cook, un Emmy Awards à New York pour la qualité de nos images d’oiseaux réalisées en vol.
Aujourd’hui la population d’oies naines sauvages augmente doucement, grâce aussi à la création d’une série de réserves naturelles sur le parcours migratoire de ces oiseaux. Certaines descendantes de nos premières oies naines sont parfois vues très localement jusqu’en en France et même en Espagne. Une équipe autrichienne travaille aussi maintenant chaque année avec un peu la même technique que nous en ULM pour le renforcement des populations d’ibis chauves et en lien avec la création d’une nouvelle zone d’hivernage protégée dans le sud de l’Espagne et en Italie. Les membres de cette équipe étaient venus me rencontrer au début de leur propre aventure afin que nous échangions des informations cruciales sur les bonnes techniques à utiliser.

Pour terminer, je dois dire que c’est en grande partie grâce à ma femme Paola que nous avons pu réussir brillement toutes nos aventures merveilleuses avec les oiseaux, 17 espèces différentes en vol avec nous depuis 1995 et pour des périples dans le monde entier avec des rencontres exceptionnelles (dans tous les pays d’Europe, Au Moyen Orient, en Afrique du Sud et jusqu’en Chine du Nord au Sud). J’ai appris beaucoup de choses grâce aux oiseaux et à la vie qu’ils nous ont fait vivre et j’aimerais citer ici la phrase du philosophe Sénèque de l’empire Romain qui m’aide aujourd’hui à ne plus me faire les mêmes soucis pour ce que j’entreprends de nouveau : « Les décrets du destin guident ceux qui les suivent et traînent ceux qui y résistent ». Paola et moi n’avons décidé de rien, tout s’est imposé à nous et les circonstances se sont combinées sous les meilleurs étoiles à condition que nous n’ayons pas eu à trop nous tracasser (plus facile à dire après coup évidement, avec le recul).

Conférence Christian Moullec

S’agissant des synchronicités dont je parlais plus haut, au-delà d’une explication inutile qui serait sûrement trop complexe, je pense qu’il faut se contenter d’observer ou de reconnaître ces coïncidences comme une petite illustration de la grande unité spatio-temporelle qui ordonne la vie depuis son apparition. Comme pour notre émerveillement s’agissant de la mystérieuse perfection du vol des oiseaux, pour avancer dans le bon sens, je pense aussi qu’il faut souvent savoir juste s’arrêter là où se trouve la vraie beauté du monde et faire sienne cette citation de notre grand écrivain Victor Hugo « le beau est plus utile que l’utile ». La perfection n’est pas humaine et comme le disait si bien aussi Albert Einstein « Le hasard, c’est Dieu qui passe incognito ».

Christian MOULLEC. (Interview sur Youtube)

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